Le Conseil d’Etat créé une voie prétorienne de régularisation des arrêtés portant Déclaration d’utilité publique (DUP) affectés d’un vice.

CE, 2e et 7e Ch. Réunies, 9 juillet 2021, Commune de Grabels, n°437634

C’est peu dire qu’en certaines matières du droit administratif, les facultés de régularisation d’un acte administratif affecté d’un vice de légalité ont le vent en poupe. On sait que, déjà en 2013, l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 a créé l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme, permettant au juge, lorsqu’il est saisi d’un recours contre une autorisation d’occupation des sols et qu’il identifie un vice susceptible d’être régularisé (par un permis modificatif à l’époque), de surseoir à statuer, après avoir provoqué les observations des parties. Si au terme du délai fixé par le magistrat, une mesure de régularisation suffisante est notifiée au juge, ce dernier, après avoir à nouveau recueilli les explications des parties, peut rejeter le recours. Il résulte donc de ce mécanisme que le permis, pourtant vicié à l’origine, n’aura finalement jamais été annulé.

On sait que la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 a réécrit l’article L.600-9 du code de l’urbanisme, en vue notamment d’instituer un mécanisme idoine, permettant de régulariser les Plans locaux d’urbanisme, les schémas de cohérence territoriaux et les cartes communales. On sait tout autant que l’ordonnance n°2017-80 du 1er mars 2017, ratifiée par la loi n°2018-727 du 10 août 2018, a institué un mécanisme quasiment identique dans le cadre des recours dirigés contre les autorisations environnementales. De nombreuses autorisations administratives, et pas des moindres, pouvaient donc jusqu’à présent bénéficier d’un tel dispositif, dont l’intérêt pour l’administration est évident : l’acte, bien que vicié, ne sera jamais annulé, et aura juridiquement produit ses effets depuis son édiction initiale, évitant à l’administration ou au bénéficiaire de devoir suspendre son projet de longs mois, voire plusieurs années, le temps de régulariser le vice en cause en relançant une procédure.

Toutefois, dans la mesure où un tel dispositif atteint le principe de légalité, il était jusqu’ici cantonné aux hypothèses où un texte l’avait institué (si l’on excepte la technique du permis modificatif qui pouvait déjà, il est vrai, permettre de rendre inopérant un moyen de légalité affectant le permis initial : CE, 1er et 6e sous sections réunies, 2 février 2004, SCI La Fontaine de Villiers, n°238315) ; en dehors de ces dernières hypothèses, lorsque le juge identifiait un vice, il ne disposait pas de la faculté de surseoir à statuer le temps pour l’administration de régulariser ledit vice. Le Conseil d’Etat franchit le rubicon et vient généraliser cette technique pour les DUP, par le considérant suivant : « Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ».

Il sera ici relevé que le Conseil d’Etat ne limite pas la faculté de régularisation aux vices purement formels. La lecture de l’arrêt oblige à admettre que la régularisation peut également concerner les vices de légalité interne, dès lors qu’ils sont régularisables. L’extension prétorienne d’une telle procédure au contentieux des DUP est source de sécurité tant pour l’administration que pour les projets menés. Il faut rappeler en effet que lorsque le juge administratif se prononce au fond sur la légalité d’un arrêté de DUP, c’est bien souvent après que l’opération d’expropriation autorisée par cet arrêté, est arrivée à son terme (prise des arrêtés de cessibilité, ordonnance d’expropriation émise, indemnités d’expropriation réglées, etc…). Le requérant (souvent l’exproprié) a alors la faculté de saisir le juge de l’expropriation dans le cadre d’une action en constat de perte de base légale de l’ordonnance d’expropriation pour lui demander la restitution de son bien exproprié…qui depuis lors est peut-être devenu le siège d’un équipement public ! Bien que le juge judiciaire apparaisse n’user qu’avec discernement de cette faculté, il est certain que la seule existence de cette voie de droit créé une forme d’insécurité. Le recours à la faculté de régularisation permet ainsi d’éviter cet écueil puisqu’en l’absence d’annulation de la DUP, même viciée, le requérant ne pourra plus recourir à cette action.

De nombreuses questions restent cependant en suspens quant à l’utilisation de cette voie de régularisation. Le Juge devra notamment préciser si cette faculté de régularisation peut être invoquée dans le cadre d’un recours dirigé contre un arrêté de cessibilité (dont on sait qu’il peut être annulé du fait de l’illégalité dont serait entachée la DUP, de sorte qu’à défaut, il suffirait d’exercer un recours contre l’arrêté de cessibilité pour « neutraliser » la régularisation possible de la DUP…), et surtout préciser si cette faculté de régularisation est accessible au Juge des référés (le Conseil d’Etat ayant créé, rappelons-le, une présomption d’urgence dans le cadre d’un recours contre un arrêté de cessibilité, et ce même après l’édiction de l’ordonnance d’expropriation : Conseil d’Etat, 27 janvier 2021, n°437237).

Me PLUNIAN Sébastien Avocat spécialiste en droit public

Dans un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, il appartient au constructeur de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux de raccordement aux réseaux, et de les chiffrer correctement, même si les travaux sont conservés par le Maître d’ouvrage.

Civ. 3e, 11 février 2021, n°19-22.943, FS-P, X c/ SAS SOGESMI

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation vient utilement rappeler qu’en matière de contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan, contrat régi par les dispositions impératives des articles L.231-1 et s. du code de la construction et de l’habitation, le constructeur doit non seulement toujours s’assurer que le raccordement aux différents réseaux publics nécessaires à la viabilité de la maison est possible, mais également les chiffrer correctement, quand bien même le maître d’ouvrage les avait conservé à sa charge.

Les constructeurs de maisons individuelles considèrent souvent à tort, que la question des raccordements aux réseaux publics est une question qui concerne uniquement le maître d’ouvrage et le gestionnaire du réseau (le plus souvent la mairie d’implantation de la construction) et se dispensent ainsi de chiffrer les coûts de raccordement, et notamment le coût des taxes à payer lors des raccordements.

La Cour de cassation vient rappeler avec force les obligations des constructeurs, lesquels doivent non seulement décrire et chiffrer dans leur notice les travaux de raccordement nécessaires, mais doivent également s’assurer que le maître d’ouvrage est parfaitement informé de ce chiffrage (mention manuscrite et paraphe de la notice descriptive). En l’état de la jurisprudence, il n’est pas inutile de rappeler que : 

  • Si le constructeur n’a pas fait apparaître la description et le chiffrage des travaux de raccordement réservés par le maître d’ouvrage dans la notice descriptive : le coût du raccordement est considéré comme faisant partie du forfait de construction, et le constructeur doit le rembourser au maître d’ouvrage (Cass. 3e civ, 13 novembre 2014, n°13-18.937, FS-P+B) ;
  • Si le constructeur a fait figurer les travaux de raccordement comme restant à la charge du maître d’ouvrage dans la notice descriptive, mais ne les a pas chiffrés : les travaux sont réputés contenus dans le prix du forfait, et le constructeur doit les rembourser au maître d’ouvrage (Cass. 3e civ., 11 mars 2015, n°14-10.002, FS-D) ;
  • Si le constructeur a fait figurer les travaux de raccordement comme restant à la charge du maître d’ouvrage dans la notice, les a chiffrés, mais ni la notice, ni le contrat, ne comportent la mention manuscrite et paraphée du maître d’ouvrage : la sanction est alors la nullité du contrat, et non l’indemnisation du coût des travaux (Cass. 3e civ., 20 avril 2017, n°16-10.486, FS-P+B+I ; Cass. 3e civ, 9 juillet 2020, n°19-13.900) ;
  • Si le constructeur a fait figurer les travaux de raccordement comme restant à la charge du maître d’ouvrage dans la notice, et les a chiffrés, mais il s’avère que ce chiffrage est insuffisant ou que le raccordement est impossible : le constructeur engage sa responsabilité sur le fondement du défaut de devoir de conseil, ledit constructeur ne pouvant invoquer l’absence de connaissance qu’il aurait lui-même pu avoir de la situation, la jurisprudence mettant à sa charge l’obligation de se renseigner pour informer utilement le maître d’ouvrage ensuite (CA Paris, 10 novembre 2017, n°16/02494).

C’est dire qu’en l’état actuel du droit, il appartient systématiquement au constructeur d’être rigoureux, en décrivant très précisément les conditions dans lesquelles la maison achevée pourra se raccorder aux différents réseaux publics nécessaires à la viabilité, et en chiffrer correctement les travaux et coût qui devront être supportés pour le raccordement effectif. A défaut, le maître d’ouvrage pourrait laisser les surcoûts à la charge du constructeur.

Me PLUNIAN Sébastien Avocat spécialiste en droit public